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Pour vous, qu’est-ce qu’une crise ?
« Krisis » ou les deux faces d’une même pièce dans la sagesse ancestrale
L’étymologie du mot crise vient du grec « krisis », un terme indiquant la nécessité de discerner et de faire un choix lors d’événements graves. La crise pour les grecs anciens n’était pas seulement la situation violente et brutale subie par des organisations passives (les « assauts de la nature » comme les décrivait Sénèque) mais surtout la manière d’en sortir au moyen d’un passage au tamis des pratiques organisationnelles et décisionnelles, une opportunité de séparer le bon grain de l’ivraie pour révéler les capacités de résilience d’une organisation.
Plus porteuse est la vision chinoise du mot crise, dont l’idéogramme comporte deux caractères : danger et opportunité.
La crise : un monstre protéiforme qui émerge d’une manière violente et soudaine
89% des décideurs économiques interrogés par le Forum Économique Mondial en 2022 [1] estiment que les perspectives économiques sont plus qu’incertaines et s’attendent à subir de nouveaux « chocs » dans les 3 années qui viennent. Pourtant, peu de décisionnaires arrivent à mettre des mots précis et exhaustifs sur tous les types de risques (et donc s’y préparer avant qu’ils ne deviennent crises) pouvant affecter l’activité d’une entreprise : chocs pétroliers, accidents technologiques, crises financières, politiques, humanitaires, sanitaires, catastrophes naturelles, conflits sociaux, attaques terroristes, cyberattaques, dangers liés à la moindre vigilance sur la sécurité, rumeurs enflammant les réseaux sociaux, pertes de réputation suite à des malversations, à une fraude fiscale, à une perte d’éthique… La liste est longue.
La crise impacte non seulement l’activité, mais aussi la réputation, et pour longtemps
Certaines crises ont particulièrement marqué l’opinion.
Les crises récentes ou qui perdurent jugées les plus graves sont les crises Lactalis (lait infantile) pour 88% des consommateurs, la crise Volkswagen (80%), United Airlines (67%), Nutella (bousculade dans les Intermarché) pour 49% [2]
80 % des responsables marketing et décideurs commerciaux, en France, s’inquiètent qu’une crise de communication à fort enjeu frappe leur organisation ; 58% d’entre eux ont été impliqués dans la gestion d’une crise ou de communication sensible, sur un sujet d’actualité majeur comme le harcèlement sexuel ou le manque de transparence. [3]
Et vous, quels types de crises pourraient impacter votre activité et votre réputation ? Quelle est la crise qui pourrait tuer votre entreprise ?
Dès lors, il est fondamental pour les dirigeants de se préparer à gérer “au mieux” une crise. Si l’on attend son arrivée pour s’adapter, il est déjà trop tard, on gère dans l’urgence et l’on en découvre trop tard les conséquences.
Anticiper, un atout majeur pour sortir gagnant d’une crise car sans préparation et en situation d’urgence, faire abstraction des biais et du bruit pour prendre des décisions pertinentes devient un sport de haut niveau.
Anticiper, c’est à la fois minimiser les risques, mettre en place les outils de gestion de crise et préparer les personnes à la traiter.
En effet, si le risque zéro n’existe pas et que certains dangers restent difficiles à imaginer ou à traiter au bon niveau de priorité, l’analyse des risques au global de l’entreprise permet de se prémunir contre des incidents majeurs ou de se préparer à en réduire les impacts.
Par exemple, l’île-de-France se prépare depuis plusieurs années à gérer une crue centennale aussi ou plus forte que celle que 1910. Et ce, sans pouvoir agir sur son arrivée mais sur les moyens d’en réduire les conséquences négatives pour les habitants et les infrastructures.
L’analyse des risques est soumise à plusieurs écueils. Il y a un côté pervers à imaginer toutes les zones de faiblesse dans l’entreprise au lieu de s’atteler à développer le chiffre d’affaires. Confronter les avis des différentes fonctions pour limiter les angles morts – on voit plus facilement les risques dans les autres services que dans les siens – génère des tensions et conflits qui limitent une lecture réfléchie et posée des dangers potentiels. Enfin, partager avec les parties prenantes, fournisseurs, partenaires et autres afin de compléter la vision est consommateur de temps.
Dans ce contexte, faire appel à un facilitateur qui accompagne les instances de gouvernance sur l’analyse des risques et qui aide aussi au repérage des signaux faibles internes et externes est une pratique utile aux entreprises qui n’ont pas de structure dédiée.
Quel est votre processus d’analyse de risques ? Sur qui vous appuyez-vous pour le mener et le faciliter en interne et en externe ? Quels sont vos détecteurs de signaux faibles ? Comment appréhendez-vous les réseaux sociaux ?
En temps calme, l’organisation doit mettre en place des outils qui lui permettront de tenir le cap et de réagir rapidement et sereinement alors que, face à l’urgence, la gravité d’un incident et la pression de l’environnement, les personnes se trouvent souvent déboussolées, en grand stress ou même immobilisées. C’est dans ces situations que les biais cognitifs s’installent et conduisent à de mauvaises décisions.
La cellule de crise est l’un des premiers à mettre en place puisqu’il s’agit de disposer des ressources adéquates pour sortir au plus vite de la crise. La composition de la cellule de crise doit être connue et remise à jour régulièrement : responsables et suppléants pour chacun des rôles clés, décisionnaire, pilote, porte-parole de l’entreprise etc.
En complément de celle-ci, d’autres outils sont à prévoir :
- Les ressources externes tels les experts sur lesquels s’appuyer, un facilitateur, une agence de crise
- Le processus de gestion de crise qui rappelle les rôles de la cellule de crise, les missions de chacun des membres, les actions incontournables et leur ordre et comprend des outils tels le journal de bord, le mode d’évaluation du risque, sa sensibilité, dangerosité etc. Il comprend aussi des procédures indispensables comme l’évacuation des blessés, le rappel de produits, la mise en place d’un numéro vert etc. La sensibilité de l’incident Lactalis était majeure car il touchait des bébés et non des adultes. Une meilleure prise en compte par l’entreprise aurait pu en atténuer les effets.
- L’annuaire contacts clés, qui recense et met à jour les contacts clés internes et externes à mobiliser ou à informer en cas de crise, les moyens de les joindre jour et nuit, etc.
Si le dispositif est à ajuster à la taille et au contexte, son existence est une garantie de bonne santé de l’organisation et sa mise en place est souvent porteuse d’optimisations et d’évolutions positives, crise ou pas.
Le dirigeant doit donc être vigilant à la mise en place des outils, lui donner du sens et la faciliter par son appui.
Quels outils avez-vous mis en place aujourd’hui pour gérer une crise ? Qui pilotera la crise en votre absence ? Qui est capable de prendre la parole auprès des médias? Que faites-vous en premier lorsque la crise surgit ?
Vous avez les outils? Ce n’est pas encore suffisant. Réalisez-vous des simulations régulières ?
Les équipes du Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne font très souvent des simulations de catastrophes. Sous la direction du colonel, ils envisagent les différentes crises qu’ils pourraient avoir à gérer. Ils vérifient s’ils ont les outils nécessaires, les moyens de communication, les chemins d’accès et les effectifs pour y faire face. La conséquence pratique étant l’amélioration des outils qui est un bénéfice immédiat. Ces réunions permettent de mettre en place en situation calme les conditions de réussite de gestion de crise.
Seule l’expérimentation en conditions de crise et son debrief permettent aux personnes d’acquérir les bons réflexes, de s’approprier leur rôle et de faire face à un incident majeur. Lors d’une première simulation, on voit souvent les acteurs vouloir bien faire et prendre le rôle d’autres pour aider alors que cela crée de la confusion. On ne trouve pas la bonne procédure ou l’on s’aperçoit que des éléments sont obsolètes. L’exercice est là pour entraîner, ajuster, debugger.
Pour gérer au mieux la communication lors d’une crise, les porte–paroles, dont le dirigeant, doivent transmettre calmement et clairement des informations aux médias, sans cacher des informations importantes alors que l’organisation n’a pas encore tous les éléments, est en proie aux critiques et que son image est en jeu. Un média-training régulier est indispensable pour se préparer à communiquer de manière authentique et cohérente dans la durée.
Dès lors, la posture du dirigeant et le sens qu’il donne à cette anticipation sont essentielles pour préparer l’organisation à affronter la tempête. Son exemplarité et son soutien dans la priorisation de l’analyse des risques, des outils, de la formation des acteurs et de la réalisation régulière d’un exercice de simulation sont indispensables alors que des réticences fréquentes sont exprimées par certains qui ont la sensation de perdre leur temps ou d’avoir d’autres priorités à gérer.
Et vous, quelle priorité donnez-vous à l’anticipation des crises ? La prévention des risques figure-t-elle à l’agenda de la gouvernance ?
S’impliquer, soutenir, décider, communiquer avec sérénité et authenticité, à toute vitesse, hors des rythmes habituels, prendre du recul, tenir son rôle et maintenir son énergie dans le temps ; autant de postures caractéristiques du leadership et essentielles pour sortir gagnant d’une crise.
Et vous, en tant que dirigeant, comment vous préparez-vous à tenir ce rôle ? Quels sont vos atouts pour gérer une crise ?
Travailler en amont avec un sparring partner de confiance pour se poser les bonnes questions, identifier les angles morts, donner du rythme dans la préparation, affronter les difficultés le moment venu et tirer les leçons des éventuels incidents ou crises est une clé de la résilience de l’entreprise.
Instaurer des rituels pour analyser les risques, les anticiper et les traiter sont des sources d’amélioration du fonctionnement de votre entreprise en temps calme aussi ! On tire de ces pratiques des opportunités et on consolide son leadership.
Frank DUMAS, Isabelle LEFEBVRE & Anne RENAULT
Sources :
[1] 2022 Global Risk Report World Economic Forum (Jan 2022)
[2] l’E-reputation des entreprises (Ifop 2019)
[3] La Communication en Entreprise dans un monde imprévisible Etude Sapio Research 2019