+33.1.87.44.92.43
Comme évoqué précédemment dans l’article intitulé « Difficultés de recrutement : challenge transitoire ou lame de fond », la deuxième piste qu’il convient d’explorer, en période de recrutement difficile, est de miser sur l’état d’esprit (personnalité et soft skills).
Comment s’engager sur la personnalité du candidat ?
Donner la priorité à la personnalité d’un candidat pour le recruter, sans attendre d’avoir le poste taillé sur mesure pour la personne, n’est pas nouveau. Dans sa recherche « De la performance à l’excellence », Jim Collins (auteur américain et anciennement professeur à l’Université de Stanford) mettait en exergue la pertinence de mettre les « bonnes » personnes dans l’entreprise.
Privilégier des profils atypiques peut se révéler être la solution adéquate dans le cadre d’un recrutement. Dans ce contexte, il convient d’explorer et d’identifier avec attention les éléments suivants :
- L’état d’esprit : le candidat est-il naturellement enclin à faire grandir et réussir son collectif ?
- Les soft skills : le candidat a-t-il le profil des compétences relationnelles et sociales qui correspond à votre besoin, pour qu’il s’intègre, qu’il performe, et qu’il reste dans votre entreprise ?
Elément #1 – l’état d’esprit
Adoptez un état d’esprit de progrès et exposez-le lors de vos entretiens
Dans ses études et accompagnements Carol Dweck (professeur de psychologie sociale à l’Université de Stanford) a identifié deux structures d’état d’esprit : deux formes de conscience de ses capacités et de ses envies. Dans nos travaux en entreprise, en observant les postures des dirigeants, nous identifions clairement ces deux formes d’état d’esprit. Le dirigeant oscille de l’une à l’autre en fonction des contextes particuliers ou de son interprétation de la situation.
L’état d’esprit dit « figé » (fixed mindset) correspond à la conviction que les réussites antérieures offrent automatiquement au dirigeant un passeport et des visas qui doivent lui ouvrir toutes les portes. Le dirigeant se positionne dans une dynamique de statut (« j’ai les bonnes compétences ») et de prudence (« si cela marche, ne changeons rien »). L’effort est accessoire, et devant un obstacle c’est le syndrome de la plaque de verglas qui domine : ce n’est pas ma faute si cela va mal. Dans un état d’esprit « figé », un candidat voudra démontrer son envie de réussir et d’avoir un impact visible sur la base d’un historique de succès sans échecs. Face à une ambiguïté, il en minimisera les aspects négatifs.
L’état d’esprit dit « de progrès » (growth mindset) correspond à une conviction que la réussite est un chemin collectif, source d’inspiration – les acquis ne sont pas un aboutissement, seulement des jalons appréciables le long d’une courbe d’apprentissage permanent. Le dirigeant continue d’avoir envie d’apprendre et d’expérimenter, d’aider ses équipes à rebondir et progresser. L’effort est une étape indispensable vers toute maîtrise. Dans un état d’esprit « de progrès », un candidat n’aura probablement jamais réussi tous ses objectifs et ses missions, et acceptera de se remettre en question. Face à une ambiguïté, il questionnera pour mieux comprendre et s’améliorer.
Dans ce contexte, il convient de sélectionner des candidats capables de rester le plus longtemps possible dans un état d’esprit dit « de progrès ». Ils seront ainsi d’autant plus enclins à vous rejoindre, et d’autant plus si vous les mettez face à un panel de dirigeants au sein duquel l’état d’esprit de progrès domine.
Détecter cet état d’esprit de progrès est un facteur clef dans la réussite de vos recrutements. Mieux encore, ces profils facilitent la rétention des talents, et sont de puissants catalyseurs pour la réussite collective.
Repérer les signes de cet état d’esprit durant l’entretien n’est souvent pas chose facile, car le candidat n’est pas dans son état habituel. Ce qu’il renvoie est souvent une distorsion de la réalité, et ce que vous interprétez l’est tout autant : car rappelez-vous, les biais cognitifs ne prennent pas de repos.
Le risque de ne pas repérer ces signes ? Laisser passer des « perles » sous ses yeux. Et cela arrive bien plus fréquemment qu’il n’y paraît. Parmi ces signes, on peut citer, l’enthousiasme, par exemple, un état d’esprit d’une importance capitale, qui contamine et dynamise le groupe, même durant les périodes les plus complexes : impossible de le détecter avec précision juste en tenant un entretien, juste avec des échanges classiques.
On retrouve aussi parmi ces signes, le sens du partage, du soutien et de la coopération, si essentiel pour nourrir et accélérer la spirale vertueuse du succès de votre entreprise : idem, impossible de le détecter avec précision sans sortir de l’entretien classique de recrutement.
Elément #2 – les soft skills
Dans un article daté de mars 2022, Pole Emploi prédit que d’ici à 2030, « les soft skills seront au cœur des stratégies de recrutement des entreprises ». L’automatisation et l’IA prenant de plus en plus le relais sur beaucoup de tâches gérées par les humains, la nature des emplois évolue forcément. Et les hard skills perdent de plus en plus de terrain face aux soft skills. Empathie, créativité pour sortir d’une impasse, coopération, résilience, compétences relationnelles ou gestion du stress, sont déjà désormais parmi les plus grandes qualités recherchées.
Pour intégrer les soft skills dans vos processus de recrutement et gagner en clarté dès l’entretien, il convient de suivre 2 étapes cruciales avant même de démarrer les entretiens :
1/ Définissez les soft skills dont vous avez spécifiquement besoin, pour une inclusion réussie et le succès de votre recrutement
- de fidèles exécutants, dotés d’une forte adaptabilité, et d’une maîtrise implacable de leurs priorités et de leurs temps ?
- de profils très créatifs, ayant un besoin intrinsèque d’innover et de proposer de nouvelles idées, qu’il convient de ménager dans leur quête de recherche en continu ?
- d’hypersensibles, dotés d’un haut niveau d’empathie et d’un sens du service sans égal ?
- de purs engagés, avec des opinions tranchées et ancrées, déterminés à défendre vos idées et vos valeurs, s’ils les partagent avec vous ?
- de fonceurs et grands audacieux, prêts à aller chercher la victoire coûte que coûte, la leur, mais aussi celle de l’entreprise ?
- de penseurs, à la réflexion très conceptuelle, qui savent la mettre en pratique lorsqu’il le faut, mais qui ont un très haut besoin d’autonomie ?
Cette approche permet de cerner les leviers de motivations de vos candidats avec précision, et ne pas se fier uniquement à ce qui est évoqué durant l’entretien. Cette démarche vise ainsi à limiter considérablement les risques d’un mauvais recrutement, fruit de l’impact de biais cognitifs mal maitrisés.
Chaque personne a un profil de personnalité unique et très précis. Chacun va avoir un profil qui montre ses forces, ses zones de génie, là où il va être puissant, mais aussi le niveau de ressources disponibles dans d’autres soft skills, qu’il a appris à développer durant son existence jusqu’à aujourd’hui.
2/ Accordez une attention particulière à la compatibilité des profils atypiques avec leurs futurs pairs et ajustez votre management en conséquence pour limiter les échecs
Lors du processus de recrutement, il convient de s’assurer que le candidat soit compatible avec le profil de son N+1 et de ses futurs pairs :
- au regard de son style de communication : il doit être capable de lui parler selon son canal de communication, pour se brancher avec son cognitif, et ne surtout pas tomber dans le piège de la mécommunication : cause majeure des conflits en entreprise.
- pour qu’il se sente reconnu par son N+1 : ce n’est un secret pour personne, tout être humain a besoin de reconnaissance. Et ce dernier diffère d’un individu à l’autre, selon son profil et la nature de ses soft skills. Par exemple, on peut imaginer qu’un empathique n’aura sans doute pas les mêmes besoins de reconnaissance qu’un fidèle exécutant le nez plongé en permanence dans ses tableaux Excel. Faute d’avoir pu être cernés avec précision, ces besoins de reconnaissance non assouvis conduisent à des pertes de talents pour les entreprises. Et pourtant, nombreux sont les N+1 qui déclarent en donner, et, selon eux, même plus qu’il n’en faut. Mais encore faut-il donner « le bon type de reconnaissance », celui qui est attendu par le collaborateur et qui correspond à son profil de personnalité.
- pour que son environnement de travail soit optimal, afin qu’il puisse donner le meilleur de lui-même : son N+1 doit être capable d’identifier les meilleures conditions de travail pour le satisfaire et le fidéliser. A titre d’exemple, certains ne supportent pas les environnements bruyants quand d’autres adorent. Dans ce contexte, encourager toute l’assemblée à travailler en open space, c’est négliger ces subtilités et partir du principe que tout le monde fonctionne à l’identique au niveau cognitif. Le N+1 se doit donc de porter une attention particulière à son environnement de travail au regard de ses softs skills pour éviter une perte de talents.
- pour faciliter la compréhension et la maîtrise de son comportements sous stress et ainsi permettre un gain de temps et d’énergie considérable pour toute l’équipe. Il est plus facile d’accepter ce qu’il nous arrive si nous comprenons pourquoi. Combien de fois a-t-on vu un conflit ouvert entre 2 personnes qui finit par déteindre sur toute l’entreprise ? On ne parle plus que de ça. Les uns prennent parti pour l’un ou pour l’autre, et on s’écarte tout doucement mais sûrement, du principal objectif de l’entreprise. Et c’est aller sans s’en rendre compte vers la voie de la clef sous la porte. Les émotions prennent le dessus, la mécommunication devient ingérable, et plus de possibilité de revenir en arrière. C’est la cause de faillite de beaucoup d’entreprises.
Cette méthode vise à mieux coopérer car elle permet une meilleure conscience de soi, mais aussi des autres. Dans ce contexte, l’inclusion et l’entraide deviennent plus fluides, et les jugements moins prégnants. Cette démarche donne aussi lieu à une nette amélioration des compétences relationnelles du collectif tout entier. Le succès de l’entreprise est, dès lors, une conséquence évidente.
Les nouvelles méthodes de recrutement exposées dans cet article vous permettront d’évaluer, avec précision et sagacité, l’alignement entre, d’un côté, vos besoins (et notamment ceux de vos équipes) et de l’autre, la personnalité de vos candidats et leurs soft skills.
Vous disposez, dorénavant, des clés pour ne pas passer à côté d’une sensibilité unique, décalée, artistique ! A vous de jouer !
Patrick Buffet & Nadia Bothorel