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Tous les biais cognitifs nous permettent de :
- Traiter les informations reçues…
- Pour trouver des significations…
- Afin d’agir vite…
- Puis se souvenir de ce que l’on a vécu pour enrichir sa base d’expériences et pouvoir être plus performant la fois suivante
Dans l’épisode précédent, nous avons abordé la façon dont les biais cognitifs – générés par notre cerveau – influent la façon dont nous percevons le monde. Il s’agit maintenant de traiter de leur influence sur notre capacité à agir vite.
Agir vite
Pour survivre, il faut être capable de faire face au danger, et donc de réagir vite. Notre cerveau a traité les informations reçues, et en a trouvé un sens qui lui permet d’agir, d’être dans l’action. Mais pour cela, il faut qu’il soit confiant dans sa capacité à avoir un impact et à sentir que ce qu’il fait est important. Le biais d’optimisme l’aide à avoir cette confiance car il amène une personne à croire qu’elle est moins exposée que d’autres à une menace. Ce qui arrive aux autres ne peut pas m’arriver. Un biais très prégnant chez les jeunes diraient certains, où la fougue amène à faire des choses paraissant idiotes ou dangereuses. Mais il n’est pas l’apanage de la jeunesse, comme l’ont montré les rassemblements post-déconfinement, ou la chute rapide du port du masque sanitaire au fil des semaines qui passent.
Ce besoin d’action favorise l’immédiat. Logique puisque notre cerveau est là pour nous faire traverser les dangers de la vie, maintenant, à l’instant présent. Cette incertitude sur le futur nous fait préférer un gain immédiat à une opportunité supérieure, mais plus tard. C’est ce que l’on appelle l’actualisation hyperbolique, qui est un peu le proverbe “tout ce qui est pris n’est plus à prendre”, ou “un tiens vaut mieux que deux tu l’auras”.
C’est cette même dynamique, qui nous fait préférer prendre une grosse portion de frites en une fois plutôt que deux petites à la suite, même si la quantité globale est la même. Ce biais d’unité nous pousse à prendre ce que l’on peut prendre quand cela se présente, et ne pas risquer de ne plus en avoir.
Qui plus est, le cerveau favorise des options simples et complètes plutôt que celles comportant des incertitudes. Cet effet d’ambiguïté rejoint ce que nous évoquions plus haut, à savoir que notre cortex n’aime pas faire des probabilités. La complexité doit être simplifiée pour permettre une décision rapide, propre au Système 1. D’où par exemple l’accumulation d’achats de première nécessité avant le confinement : il y a du papier toilette aujourd’hui ; y en aura-t-il demain ? Je ne sais pas, donc je simplifie et considère que peut-être non, et je fais mon stock. Dans cet exemple, vous aurez bien sûr identifié plusieurs autres biais évoqués plus haut.
Les messages dont le cerveau prend connaissance doivent être traités avec efficacité et rapidité. Il fait donc plus attention au contenu global du message qu’aux informations détaillées portées dans le message. C’est la loi des petits nombres, mise en avant par Daniel Kahneman, qui fait que certaines personnes vont résilier leur assurance car ils n’en ont jamais eu besoin. Ou ne pas avoir d’alarme incendie dans leur appartement car il n’y en a jamais eu dans leur immeuble. Ou ne pas porter de masque contre le coronavirus car il n’y a pas de malade identifié dans leur zone (immeuble, village, région…). Ou à se dire que le Covid-19 est bien moins mortel en pourcentage chez les jeunes que chez les plus de 65 ans (sachant qu’il y a 2.7 fois plus de 20-64 ans en France que de plus de 65 ans, n’est-ce pas logique ?).
Mais malgré tout, le cerveau n’aime pas se tromper, au sens avoir tort ; ce serait accepter qu’il est faillible et donc qu’il ne remplit pas pleinement sa fonction première qui est de nous faire survivre. C’est pourquoi il a toujours plus de motivation à finir ce qui a été commencé plutôt qu’à changer de cap. C’est ainsi qu’un comportement négatif sera poussé plus avant encore pour éviter de montrer/accepter l’erreur initiale. C’est l’escalade d’engagement, ou le biais de statu quo (toute nouveauté engendre plus de dangers que de ne rien faire) : j’ai peut-être eu tort de mettre toute mon équipe au chômage partiel, mais plutôt que d’accepter mon erreur, je persiste.
Et comme si le monde ne contenait pas, à lui seul, suffisamment de dangers, l’être humain interagit avec d’autres êtres humains. Un danger supplémentaire, qui conduit le cerveau à agir en conséquence. Un bon moyen de survivre est dès lors de ne pas se faire remarquer et de faire comme les autres. C’est le fameux “mouton de Panurge” de Rabelais, ou le biais de conformité, qui, en l’absence d’opinion ou par manque de connaissance ou de terrain favorable, nous fait accepter l’habitude en usage, là où l’on est. Combiné à l’escalade d’engagement vu plus haut, cela peut être dévastateur dans une foule, par exemple. Ainsi, beaucoup de gilets jaunes passés en jugement pour agressions ou détériorations de biens publics s’avèrent être dans la vie de tous les jours des personnes sages et tranquilles. Elles ont pourtant à un moment suivi le mouvement de déchaînement pour ne pas être à part, différente.
L’on retrouve cette capacité du cerveau à agir pour ne pas se différencier, mais aussi pour ne pas blesser l’autre, dans le paradoxe d’Abilène. Le sociologue Jerry Harvey le présente dans son ouvrage The Abilene Paradox and Other Meditations on Management comme une illustration de la difficulté d’un groupe à prendre une décision et à gérer collectivement son accord. Dans la fable moderne qu’il propose, quatre membres d’un groupe décident d’aller à Abilène, alors qu’aucun ne le souhaitait vraiment. Mais, par crainte de s’offenser et de se contredire mutuellement, ils y finissent tous !
Dans le prochain épisode, nous aborderons l’impact des biais cognitifs sur notre recherche de la performance.