[Article] L’individuation professionnelle : clé de lecture pour développer votre leadership

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D’après nos travaux et nos observations, l’expression du leadership d’un dirigeant s’appuie sur trois fondamentaux :

  • Le principe des postures qui dévoilent une coloration publique de ses croyances et de ses convictions en complément de ses paroles et de ses actes
  • L’universalité des intelligences multiples – plus ou moins développées volontairement ou involontairement – qui servent de prisme traducteur pour canaliser ses postures
  • Le principe d’individuation personnelle et professionnelle qui donne des clés de lecture de son comportement « leadership »

Le comportement des leaders est, à la fois, le fruit d’un parcours de vie personnelle et de vie professionnelle. Chez Lugh & Co, nous abordons l’individuation professionnelle comme clé de lecture dans les processus de recrutement, d’observation et de développement de leaders à haut niveau.

Le principe d’individuation dans un parcours professionnel

En nous inspirant de la synthèse des travaux de Jung publiée par Frieda Fordham, nous avons mis en parallèle trois phases du chemin de vie d’un individu et sa translation sous forme d’individuation professionnelle – sur la base des travaux de Pierre Casse.

Ces trois phases s’enchaînent à différentes étapes de la vie d’un leader, en fonction de son expérience professionnelle :

La croissance

En tant qu’individu, le dirigeant est aspiré par un apprentissage et une expérience qui s’enrichit jusqu’à une période médiane de sa vie.

Professionnellement, cette phase correspond à ses postes, ses premières promotions, ses responsabilités croissantes, le début de son expérience en gestion des ressources humaines, l’impact qu’il pense avoir concrétisé à l’intérieur de l’entreprise, etc.

La première phase professionnelle peut être schématisée sous la forme d’un escalier, celui de la réussite perçue ; avec des marches plus ou moins hautes (liées aux seuils de compétences à franchir) ou plus ou moins longues (liées aux délais d’apprentissage et de reconnaissance interne).

Evolution de la couleur des feuilles

L’individuation

L’individuation représente une période de transition – plus ou moins longue en fonction des individus – pendant laquelle la personne se transforme à la fois au regard de sa place et de son rôle au sein de son environnement, mais également en envisageant plus clairement la fin de sa vie. Le résultat de ce phénomène se traduit généralement par une quête de sens.

Professionnellement, cette phase correspond également à une phase de transition qui est plus souvent subie par des événements extérieurs (échecs, manque de reconnaissance, stagnation de carrière, découverte de nouvelles opportunités ou de nouvelles envies…) mais parfois influencée par une réflexion personnelle (remise en question de son approche professionnelle, de sa réussite fulgurante, doutes sur son vrai savoir, finalité de sa carrière professionnelle, satisfaction sociale…). Cette phase, qui peut intervenir plus ou moins tard dans une carrière, est absolument cruciale dans l’analyse des postures et du potentiel d’un leader.

C’est à ce moment qu’un leader va progresser plus ou moins rapidement – et plus ou moins facilement – passant d’une posture de leadership intermédiaire « forcée » par son expérience, vers une posture de leadership abouti « acceptée » pour continuer à progresser.

L’engagement du sens

Cette phase est caractérisée par un large champ de possibilités pour un dirigeant. L’engagement sur la deuxième partie de sa vie permet schématiquement à un individu : de s’épanouir en donnant un sens à sa vie malgré les aléas qui se présentent, d’une part, ou de simplement subir son environnement d’autre part.

Professionnellement, elle constitue la période pendant laquelle l’individu a le potentiel d’exprimer toute sa valeur dans un leadership accepté – qu’il occupe ou non une fonction de dirigeant. Ses postures deviennent plus claires et comprises.

En entreprise, plusieurs opportunités s’offrent au dirigeant. Il peut soit profiter de la richesse de sa réflexion personnelle, de son ressenti, de son expérience ou, à l’inverse, se retrancher derrière des artifices de réussite devenus caduques.

Cette ultime période peut être symbolisée par des « montagnes russes ». La réussite a des hauts et des bas et les leaders savent se ressourcer et apprendre pendant les phases descendantes pour mieux rebondir. Ceux qui n’y parviennent pas sombrent progressivement dans une forme de médiocrité de confort ou de statut.

Les expériences professionnelle et humaine constituent un facteur à prendre en compte dans l’observation et l’évaluation des dirigeants d’entreprise.

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L’exercice complexe de décodage du leadership

Dirigeant qui monte les escaliers

Escalier de la réussite

Pendant la première phase dite « escalier de la réussite », réussir professionnellement en s’appuyant sur des apprentissages pratiques rapidement assimilés et des martingales conçues au fur et à mesure de ses succès et de ses échecs est monnaie courante pour un dirigeant. Il forge des convictions (parfois même des certitudes) sur ses qualités les plus pertinentes pour réussir. Souvent, cette martingale s’auto alimente par un alignement graduel avec des objectifs et des comportements implicitement imposés pour réussir la mission à l’intérieur de l’entreprise.

De toutes ses qualités au début de son parcours, il ne mobilise qu’une fraction de celles-ci avant d’entrer dans sa phase d’individuation professionnelle. Il s’agit d’une phase délicate pour l’évaluation et le choix d’un dirigeant. Les jeunes dirigeants sont souvent hyper actifs et donnent l’impression d’être le type de dirigeant que l’on recherche pour dynamiser une entreprise. Or, tout dirigeant en progression est naturellement hyper actif, mais cette activité peut masquer beaucoup d’imperfections.

Une clé de lecture importante est de savoir décoder où le dirigeant se trouve dans son progrès : quels sont les paliers franchis et ceux qu’il pense avoir encore à franchir ? Quelle est l’expérience acquise à chaque marche de son escalier et ses premières expériences de rebond après échec ? Ceux qui n’ont jamais échoué sont potentiellement « à risque » dans leur manque d’expérience de rebond après un échec.

Groupe qui grimpe

Individuation professionnelle

La phase d’individuation professionnelle est humainement riche car elle force à se réconcilier avec les aspects de sa personnalité délaissés lors de la phase en « escalier ». Elle correspond également à la période pendant laquelle le dirigeant va réaliser progressivement le potentiel de toutes ses intelligences voire les manques créés par la sous-utilisation de certaines d’entre elles.

Le dirigeant doit idéalement profiter de cette période pour se préparer à être plus efficace dans la deuxième partie de sa vie professionnelle et donc avoir recours à de nouveaux talents. Ces talents lui sont apparemment étrangers mais ils ont seulement été passés sous silence ; il lui faut donc les réactiver et explorer le spectre complet de ses intelligences multiples.

Dans cette deuxième partie de la vie professionnelle, le leader doit accepter que les défis les plus complexes et les plus ardus ne peuvent être résolus sans parvenir à s’élever au-dessus de ces sujets. En s’inspirant de Jung, le leader (qui passe d’un état intermédiaire à un état abouti) doit pouvoir sortir de ses schémas intellectuels pour développer une vision plus large et plus profonde de son potentiel. A ce niveau, les défis commencent à apparaître plus humains et plus faciles à relever, les intelligences multiples entrent en action.

Pour accélérer sa transition vers des styles de leadership abouti, il est crucial pour le leadership de se focaliser sur les dimensions qu’il sous-utilise pour développer son potentiel. Dès lors, ses collaborateurs ressentent cet enrichissement et sont mieux enrôlés et contribuent davantage au succès de leur dirigeant.

Il s’agit également d’une phase passionnante pour identifier des leaders exceptionnels, d’une part, et pour décoder des carences de leadership qui peuvent être rédhibitoires pour la direction d’une entreprise, d’autre part.

En période d’individuation professionnelle, l’éventail des postures des dirigeants est très large, voire trop, pour ne pas commettre d’erreur de sélection de leaders. Quelques exemples de postures pour en éviter les travers sous-jacents :

  • Les nostalgiques de la période en escalier qui surjouent leur potentiel historique
  • Les postures téléguidées sans véritable authenticité qui sont le résultat d’une recherche personnelle encore non aboutie mais que le dirigeant va masquer par un discours de convenance
  • Les postures ambiguës de dirigeants en plein questionnement qui donnent l’impression de ne pas avoir toutes les qualités requises tout en étant de remarquables leaders en puissance
  • Les postures assumées de réussites et d’échecs/apprentissages qui préconfigurent une bonne résilience pour la période de « montagnes russes »
Montagnes russes

Montagnes russes

C’est la période dans laquelle se trouvent presque tous les dirigeants expérimentés. Et face à ce très vaste réservoir de talents, l’évaluation d’un leader est souvent épineuse. La clé est de comprendre la façon dont le dirigeant ressource son énergie en cas d’échecs ou de difficultés pour pouvoir rebondir positivement dans le cycle professionnel favorable suivant. Dans ce contexte, une lecture fine des postures du leadership est essentielle pour éviter les erreurs de casting et leurs conséquences néfastes.

A travers les travaux réalisés auprès de dirigeants d’entreprise, nous observons un certain nombre de comportements décrits ci-dessous :

  • Cristallisation des postures

Les leaders ayant franchi leur niveau d’individuation présentent des réponses très tranchées sur un échantillon critique de situations managériales proposées et une forte capacité à expliquer ou à commenter leur position en toute sérénité. Cette posture assurée et assumée est mesurée par notre indice de niveau d’individuation ;

  • Les leaders présentant un indice de 95% ou plus sont sereins et semblent avoir trouvé un vrai sens à leur vie professionnelle. Ils ne sont pas à la recherche de leur propre médiatisation mais plutôt de celle de leurs actes à travers le succès de leurs collaborateurs. Ces leaders présentent également une bonne appréciation de leurs faiblesses et ne rencontrent aucune difficulté à les partager avec leurs collaborateurs ou leur Conseil d’Administration.
  • Les leaders présentant un indice entre 85 à 95% sont généralement en pleine recherche sur eux-mêmes. Ils démontrent, à la fois, une volonté de progresser et d’apprendre dans certaines situations et peuvent être obstinés et fuyants dans d’autres situations. Les postures du leader pouvant prêter à confusion auprès de leurs collaborateurs, ces dirigeants avaient très souvent des défis mineurs avec leurs équipes mais avec un impact majeur dans la mise en place de décisions prises, le suivi de directions données…
  • Les leaders présentant un indice inférieur à 85% partagent la conviction que leurs postures est le fruit d’habitudes et d’expériences. Rien dans leurs convictions ou postures ne semble cristallisé. Certains vivent dans une illusion du succès (remise rapidement en question au premier échec), d’autres ont déjà conscience du besoin d’évoluer mais ne visualisent pas de piste claire à suivre en ce sens. Ces leaders ne semblent pas encore engagés sur la façon dont elle fait partie intégrante de leur personnalité et de leur vie privée.
  • La prise de décision comme révélateur de sa propre individuation

D’après nos observations, les modes de prises de décision constituent un autre révélateur de l’individuation du dirigeant. Pour plus de 60% des dirigeants testés et accompagnés, en phase de pré-individuation, leur mode de prise de décision favori est celui d’imposer et d’être décisif. Dans cette phase en escalier, les dirigeants pratiquent la règle suivante : « il vaut mieux avoir 60% des données utiles et agir rapidement que d’attendre d’avoir 100% des données utiles ».

Pour les autres, le dirigeant adopte plutôt une posture de facilitateur, de recherche de critères et d’opinions : il a tendance à encourager la responsabilité collective même si cela entraîne une lenteur dans la prise de décision.

Post individuation, les dirigeants naviguent avec aisance entre ces modes de prises de décision en fonction des sujets et de l’urgence. La période d’individuation est alors caractérisée par des tentatives de sortir de son mode privilégié de prise de décision qui a tendance à créer une certaine confusion auprès de ses collaborateurs habituels. L’accompagnement du dirigeant pendant cette période est critique pour lui permettre une transition réussie.

Patrick BUFFET & Xavier BAUDARD

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